A la Porte d'Apollon

Une chronique grecque, 1980-2015

Desenchante34



Catharsis (Les Messagers)


Dix ans que je n'avais pas vu la Grèce sous le soleil. Fin de l'été, soirée électorale à Patras. Alexis Tsipras vient de nouveau de gagner son pari. Dans Ermou, je croise ses supporters qui chantent « Bella Ciao » comme aux beaux jours du printemps grec. Mais le cœur n'y est pas vraiment.

Plus tard, plus bas, dans le Magne, au détour d'une conversation, on me demande  : « Comment trouves-tu la Grèce maintenant ? » Je ne sais que répondre, il me faut du temps pour comprendre, alors je retourne la question : « Et toi, comment te sens-tu Grec aujourd'hui ? »


Les dieux aussi sont fatigués


La radio de la voiture crachote le dernier tube de Vasilis Papakonstantinou. « Et nous élèverons des cigales et des grillons, pour lutter contre le froid et l'hiver ... » L'automne s'installe sur la Grèce. Sur le front de mer de Patras, les migrants naguère si présents ont disparu. Ils passent par le nord maintenant, essayant de quitter le pays au plus vite avant que le piège ne se referme. De toute façon, il n'y a rien à gagner pour eux à rester ici.

A Athènes, l'hôtel Erechteion a fermé lui aussi, comme nombre de commerces. Quand ce n'est pas la faillite qui baisse les rideaux de fer, ce sont les grèves qui montrent portes closes.

Icare a dû voler trop près du soleil, alors les Dieux se sont lassés. Solitudes. Je veux revoir Naxos, les amis et Manolis, qui va quitter son île natale pour commencer ses études supérieures. « Mano » rêve de naviguer, voir autre chose, partir. Mano a 18 ans et quitte Naxos quand j'arrive. « γεια σου φίλε μου !* »

Le retour à Naxos


Comme Ulysse retourne à Ithaque, je suis revenu sur mon île. Une dernière fois, comme souvent auparavant, je marche dans les ruelles de la vieille ville, au pied du kastro. Il y a l'odeur de l'herbe sèche, les murs chauffés à blanc pendant le jour, les relents de cuisine et le souvenir du four du boulanger, le chat qui fuit dans l'ombre. Du côté de Grotta gronde la mer.

L'obscurité est tombée sur Naxos, le chant de milliers de grillons envahit la nuit. Je suis arrivé à destination. Au loin brillent les néons de l'hôtel Apollon.

*"Adieu, mon ami !"